Les citoyens de la CCCB
Ils sont une quarantaine à avoir accepté de jouer le jeu en s’engageant au sein de la convention citoyenne pour le climat et la biodiversité, découvrez l’histoire et les convictions d’une partie des citoyens participants.
À 18 ans, Jules est le benjamin de la convention citoyenne, il habite chez ses parents à Marsannay-la-Côte (Côte d’Or). Étudiant en STAPS à Dijon, il espère idéalement obtenir un master et devenir professeur de sport. N’ayant pas le permis, il se déplace surtout en transports en commun mais trouve le trajet trop long comparé à la voiture « moi j’ai un ami qui habite à Gevrey-Chambertin, s’il veut venir en bus c’est mort» Du coup, dans la pratique, ce sont souvent ceux qui ont des véhicules qui vont chercher les autres.
Jules a pris conscience du problème du réchauffement climatique l’année dernière «c’est en cours de sciences que j’ai été sensibilisé au sujet. Le professeur a présenté le rapport du GIEC en trois parties : les statistiques, ce qui allait arriver et ce qu’on pouvait changer». C’est là qu’il a pris conscience de la gravité. Il pense que c’est à sa génération de faire bouger les choses mais ne sait pas très bien comment faire. Il est particulièrement inquiet des éventuelles privations qui pourraient survenir concernant l’eau, la viande ou encore l’utilisation des véhicules.
Jules envisage quelque pistes qui lui paraissent importantes comme développer les composts et encourager leur utilisation. Il pense aussi qu’il faudrait «rapprocher les habitations des villes» afin de consommer moins de CO2 dans les déplacements, mais aussi aménager les transports pour que les services soient plus nombreux et plus rapides. Concernant l’alimentation, il trouve intéressant le fonctionnement des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) mais trouve qu’il n’y a pas suffisamment de communication sur les relais existants.
Jade 23 ans habite dans une maison chez ses parents à Evette-Salbert, petite commune située près de Belfort. Elle vient tout juste d’obtenir son diplôme d’équicienne après trois d’études après le bac. Le métier d’équicien met en relation des publics fragiles (par exemple des personnes en situation de handicap) avec des animaux, notamment des chevaux. Jade, qui possède son propre cheval, souhaite trouver un emploi pour commencer puis créer son entreprise ensuite dans ce domaine. Quand on aborde les questions écologiques c’est d’abord aux animaux qu’elle pense et aux réflexes quotidiens à avoir à leur égard : faire attention à la pollution des prairies pour les chevaux, vérifier la qualité de l’eau pour ne pas les intoxiquer, le problème de déforestation qui les prive d’abris….
Jade réfléchit à des solutions qui permettraient de réduire l’impact des hommes sur l’environnement comme réduire les transports de nos produits alimentaires «il faudrait favoriser les produits locaux pour qu’il y ait moins de dépense énergétique». La raison pour laquelle peu de personnes les achètent est claire pour elle «le coût de ces produits est trop important». Elle pense qu’il faudrait aider financièrement les consommateurs à privilégier des achats de produits locaux, faire en sorte que cela ne leur coûte pas plus cher. En revanche, il est plus difficile pour elle de réduire l’utilisation de son propre véhicule « je me sens en sécurité dans ma voiture, quand tu es une femme, c’est important. Quand je n’avais pas le permis je préférais marcher plutôt qu’utiliser les transports en commun». Jade a trouvé intéressant les échanges avec les professionnels pour aider le groupe à «poser des mots un peu plus scientifiques sur ce qu’on dit».
Quentin a 25 ans et habite Audincourt dans le Doubs. Il travaille comme maraicher à Montenois chez un petit paysan et touche l’équivalent du SMIC. Son parcours professionnel est déjà pluriel malgré son jeune âge. À 17 ans, il était déjà apprenti boulanger dans le Jura et avait tout juste assez d’argent pour se payer son loyer. Au bout de quelques années, il s’est rendu compte que le rythme du métier n’était pas fait pour lui. À partir de 2019, il crée une entreprise de fruits et légumes qui a bien fonctionné, tout du moins, tant qu’il obtenait des aides les premières années, après cela a été plus compliqué. Il a travaillé ensuite de nuit en intérim dans une usine automobile avant de connaitre une période de chômage. Aujourd’hui il habite avec sa copine. Il y sont biens, même si l’appartement qu’ils louent a des problèmes d’humidité.
Quentin s’est rendu compte dès la première session de la convention citoyenne que les enjeux étaient importants. Il avait conscience du problème mais moins de son évolution rapide «je me rends compte que ça va me toucher moi et pas uniquement la génération d’après». Ce qui l’a le plus marqué dans les échanges, c’est la raréfaction de l’eau «je ne pensais pas qu’on pouvait manquer d’eau un jour», l’eau potable notamment. Il espère que la convention contribuera à faire évoluer la situation même s’il reste sceptique sur la place du citoyen lambda à agir «le plus gros pollueur c’est pas le petit citoyen, c’est les grosses usines, mais dans tous les cas, je pense qu’il faut faire quelque chose».
Sara, 29 ans, habite à Belfort. Elle travaille dans la région voisine à Mulhouse comme chef de projet dans une association de soutien aux collectivités dans différents domaines (transition numérique, environnement….). Il y a quelques mois, elle a démarré en parallèle une activité d’auto-entrepreneur pour aider les structures dans des méthodes collaboratives et créatives. Sara se rend quotidiennement à son travail en voiture. Elle aimerait bien faire le trajet en transports en commun, mais ce n’est pas envisageable : 2h de trajet l’aller (intégrant une trottinette, le train, le tram), contre 35 minutes en voiture.
Enfant, Sara ramassait les oeufs à la ferme et mangeait des produits locaux chez ses grands-parents. L’écologie lui parait naturel. La convention citoyenne lui a appris la rapidité avec laquelle le climat évoluait. Ce qui l’a marquée, c’est le climat du sud de la France qui ressemblera bientôt à celui actuel de l’Afrique du nord. «Il faudrait que cette information soit à portée de main, facilement compréhensible. Si les gens comprenaient, ils pourraient plus facilement changer leurs habitudes». Sara se questionne beaucoup sur la méthode pour parvenir au changement «depuis que j’ai commencé à la convention, je m’interroge, je pense qu’il faut aller vite, mais en même temps, j’ai peur que des contraintes trop fortes créent des tensions qui fassent reculer les objectifs à atteindre». D’où l’importance de la pédagogie pour elle, auprès des citoyens qui doivent aussi amener le changement.
À son niveau, Sara a changé quelques pratiques, elle se questionne beaucoup plus sur ses besoins et tente de les réduire ou de mieux les organiser. «Tout ce qu’on fait a une empreinte. Aujourd’hui, j’essaie d’optimiser mes déplacements». Elle cherche donc à regrouper ses déplacements pour réduire ses trajets en véhicule.
Originaire du Territoire de Belfort, Ouahiba, 57 ans, habite dans le Doubs depuis ses 28 ans. Elle réside à Audincourt, dans une maison individuelle avec jardin, située à proximité de l’ancien cinéma reconverti en salle de spectacle, Le Moloco. Depuis le départ de ses trois enfants du foyer, elle et son mari se retrouvent seuls dans un espace qui leur semble désormais disproportionné. Elle envisage de louer des chambres à des étudiants ou de déménager vers Massy, pour se rapprocher de sa fille étudiante à Besançon. Pour ne pas perdre le fil et rester dans le coup, elle s’est lancée sur TikTok pour suivre les aventures de son fils, professeur de SVT.
ATSEM et animatrice, Ouahiba se dédie à l’éducation et au divertissement des enfants. Elle partage avec passion ses initiatives créatives, telles que la construction de cabanes en carton : « avec n’importe quoi, je te fais quelque chose, et c’est écoresponsable et économique !», dit-elle en souriant. Elle se dit préoccupée par la nature et tout particulièrement par la question des déchets alors que la collectivité a établi depuis 2029 un Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets. Ouahiba est surprise par les nouvelles taxes sur les ordures ménagères et constate avec regret que celles-ci n’encouragent pas toujours des comportements collectifs responsables.
Sa participation à la convention l’a sensibilisée aux défis climatiques actuels, notamment l’augmentation des températures. L’idée d’un climat similaire à celui de Madrid pour sa région la trouble profondément tout comme la diminution notable des oiseaux, un changement qu’elle trouve perturbant et symbolique : « Leur chant, c’est comme l’église pour moi, ça rythmait les heures de ma journée (…) en revanche, les guêpes, ça ne me dérange pas autant » dit-elle avec une pointe d’humour.
Pour elle, la préservation de l’environnement n’est pas seulement une question de politique, mais un mode de vie et une responsabilité partagée. C’est ce qu’elle fait au quotidien en étant économie : isolation énergétique de sa maison, installation d’une cuve pour récupérer l’eau de pluie… Sur le sujet mobilité, elle avait initialement adopté les transports en commun, mais elle se dit déçue par les récents changements de lignes et d’horaires. Une situation qui l’a poussée à reprendre à contrecœur sa voiture pour être à l’heure au travail.
Anne-Marie est la doyenne de la Convention. À 78 ans, elle vit dans le village de La Chapelle-sur-Oreuse, situé à 13 kilomètres de Sens. Originaire de Paris, elle a vécu dans la capitale jusqu’à l’âge de 45 ans avant de découvrir la sérénité de la campagne. Elle et son mari ont choisi cette région pour son cadre naturel et pour adopter un mode de vie différent dans une maison, spacieuse avec un grand jardin : « J’apprécie particulièrement le contraste avec l’agitation urbaine que j’ai connu ».
Se déplacer jusqu’au lieu de la Convention est un véritable parcours du combattant : voiture de sa maison à la gare de Sens, puis train jusqu’à Dijon, tram et marche jusqu’au CREPS… le trajet a duré plus de 5 heures ! « C’était une aventure, je ne ferai pas ça tous les jours ».
Optimiste mais réaliste quant aux processus participatifs comme les conventions citoyennes « nous avons été saturés par les médias sur la convention nationale ». Ici, ses attentes se portent sur l’amélioration des transports publics en milieu rural, un sujet d’importance pour ceux qui dépendent de la voiture. « Pour l’instant je conduis. Mais le jour où ça ne sera plus possible pour moi, je perdrai mon autonomie ».
Lors des échanges de la convention, Anne-Marie a été particulièrement marquée par les discussions sur la perte de la biodiversité, notamment la déperdition des animaux et des insectes « ce n’est pas quelque chose dont j’avais conscience ». Mais aussi sur les nouvelles solutions énergétiques qui se développent pour les particuliers. De son côté, elle et son mari ont déjà fait de grandes avancées en matière d’économie d’énergie grâce à la géothermie et à l’installation de panneaux solaires, qui leur ont permis de réaliser d’importantes économies. Pour elle, cette sensibilisation est plutôt attribuable à sa nouvelle vie, par la plus grande liberté d’action en milieu rural par rapport aux contraintes des immeubles urbains gérés par des syndics.
C’est grâce à la cuisine que Mohammed, 36 ans, a approfondi ses connaissances sur des questions écologiques. «J’ai eu la chance de partager des discussions avec des maraîchers et des vignerons directement impactés par la modification du climat». De formation chef de cuisine, le père de deux enfants est sensible aux questions liées au manque d’eau et à la pollution des sols. Elles ont pour lui un impact fort sur la qualité des produits et la santé des individus.
Actuellement consultant en restauration près de Dijon, le trentenaire cherche à agir à son propre niveau. Il souhaite créer une société basée sur un modèle économique différent «je veux mettre en avant des vergers abandonnés, trouver une association de cueilleurs, vendre ma production à des hôtels-restaurants et en donner une partie à des associations et à des banques alimentaires».
Mohammed en veut beaucoup au système agro-alimentaire actuel, «à la pression des lobbys pour tenter de réintégrer le glyphosate» et «aux profits générés par le système agro-alimentaire alors que les maraîchers n’arrivent pas à vivre». Les questions écologiques sont pour lui importantes.
Bien qu’il tente d’agir à son propre niveau, il reste frustré et pense qu’on prend le problème dans le mauvais sens «on culpabilise trop les gens, ce sont les modes de production, les lobbys et le système économique actuel qui sont le problème. C’est d’abord ces sociétés qui doivent inciter à un système plus vertueux». Il aimerait que son travail au sein de la convention citoyenne participe à «cette prise de conscience».
«Quand j’ai été contactée pour participer à la convention citoyenne, j’ai cru que c’était une arnaque». Fairouz, 45 ans, fait partie des nouvelles recrues de la convention citoyenne de décembre. Cette infirmière libérale, originaire de Lyon, habite à Tournus en Saône-et-Loire. Elle a organisé son travail pour participer aux sessions, c’est pour elle «une question problématique pour l’avenir».
Le sujet attire son attention et fait échos à ses origines : «j’ai de la famille dans les terres en Tunisie qui se plaint de la sécheresse et des problématiques liées à l’eau». L’intervention de Daniel Gilbert l’a particulièrement marquée. «J’ai appris pas mal de choses que je ne connaissais pas, notamment le fait que quand il fait très chaud la pluie s’évapore avant même que l’eau n’atteigne les nappes phréatiques».
Au quotidien, la quarantenaire précise faire «quelques gestes bénéfiques pour la planète» comme amener ses deux enfants à l’école en vélo ou encore leur cuisiner des plats plutôt qu’acheter des produits industriels. Après avoir acheté un robot ménager, elle a eu une prise de conscience «je me suis rendue compte de la quantité des emballages pour l’alimentation ; c’est impressionnant, surtout les reconditionnements en mini paquets, donc maintenant je fais des goûters-maison et il y a moins d’emballages».
Fairouz ne se définit pas comme «une nana très shopping». Elle préfère acheter des habits de seconde main pour éviter le gaspillage. Elle attend de la convention citoyenne des échanges constructifs et que les avis des citoyens soient lus et entendus par les politiques.
A 28 ans, Matthias a toujours vécu dans la Région. Originaire du Jura, il a grandi à Arbois avant de déménager pour son travail à Mâcon. Aujourd’hui, il est ingénieur géomètre et travaille sur des plans, participe aux opérations d’aménagement de lotissements, et s’implique dans la division de propriétés pour des terrains à bâtir, des divisions en volumes, et des mises en copropriété.
Matthias s’exprime avec aisance et participe volontiers aux discussions de groupe. Militant, convaincu de la cause ? Pas vraiment. Mathias est plutôt « curieux » et agréablement surpris par les intervenants scientifiques qui ont présenté l’ampleur des dégâts liés au réchauffement climatique : « j’essaie de prendre des sources ici et là pour me forger un avis. Mais voilà, pas de compétence particulière ». Il a également apprécié les échanges avec les autres participants : partager le vécu, le quotidien, les aspirations, les craintes pour le territoire.
Comme beaucoup d’autres citoyens, Mathias est plus dubitatif sur la capacité du collectif à répondre à tous ces défis et aux élus d’entendre leurs préoccupations individuelles. Et c’est là tout l’intérêt de cette démarche « apporter des perspectives et des opinions diverses, même sans connaissance dans le domaine ». Le tout dans « un respect mutuel ».
Soumia, 33 ans, réside dans un quartier pavillonnaire de Marsannay-la-Côte, dans le dus de Dijon. Agent de service hospitalier au service neurologie, elle s’occupe des repas et du confort des patients. C’est la première fois qu’elle participe à une démarche participative et n’a pas vraiment une idée précise de ce genre de processus. Elle n’a d’ailleurs jamais entendu parler de la Convention citoyenne pour le climat.
Pourquoi s’est-elle donc engagée à travailler 5 sessions pour la Convention citoyenne pour le climat et la biodiversité de la région Bourgogne-Franche-Comté ? Par curiosité et par soif d’apprendre : « Je savais que nous allions être en groupe, que nous allions recevoir beaucoup d’informations et que ça allait être une bonne source d’apprentissage ». Et elle est méritante puisqu’elle a mis une heure pour venir : « c’’est mon mari qui m’a déposé en voiture, une heure de trajet ! ». Le sujet ? Soumia reconnaît que ce n’est pas « quelque chose qui la touche directement », considérant que les médias abordent des sujets trop éloignés de son quotidien « comme les ours polaires ».
La première journée lui a permis de déconstruire cette idée reçue. « Avec les informations que j’ai entendues sur l’état de la biodiversité et des animaux, je me sens plus concernée. Je ne savais pas que ça pouvait directement concerner à ce point notre environnement ». Soumia attend de la Convention des actions concrètes. En attendant, elle compte sensibiliser son entourage, parler de cette démarche autour d’elle et partager ce qu’elle a appris. Pour l’heure, elle se réjouit de cette opportunité : « c’est une chance, et je me sens pleinement citoyenne »